Mémoire de l’Association des documentaristes du Canada dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2012

12 août 2011

Résumé analytique

L’Association des documentaristes du Canada/The Documentary Organization of Canada (DOC) est heureuse d’avoir l’occasion d’exposer ses points de vue au Comité permanent des finances de la Chambre des communes dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2012.

En prévision du budget de 2012, le Comité permanent des finances a invité les Canadiens à lui faire part de leurs priorités budgétaires. Dans ce mémoire, la DOC se concentre sur la façon dont la modification des subventions canadiennes à la production de médias reflétera plus fidèlement les conditions de production des médias numériques et l’industrie des documentaires, créera plus d’emplois, de recettes fiscales, et donnera également au Canada un avantage novateur qui aura pour effet d’attirer les investisseurs étrangers.

Priorités budgétaires de la DOC

La DOC formule les recommandations suivantes dans son mémoire :

  1. Actualiser/créer des crédits d’impôt à la production de médias et aux services afin de refléter les réalités changeantes du paysage médiatique canadien;
  2. Assurer la pérennité du Fonds du long-métrage documentaire de Téléfilm et en accroître le financement;
  3. Augmenter le financement des fonds fédéraux de production de médias et de certaines institutions culturelles, à savoir la CBC, le Conseil des arts du Canada, le Fonds des médias du Canada, l’Office national du film et Téléfilm.

Mémoire

La DOC est heureuse d’avoir l’occasion d’exposer ses points de vue au Comité permanent des finances de la Chambre des communes dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2012. La DOC est une association nationale qui représente plus de 800 cinéastes, producteurs et artisans dont le métier est de produire des documentaires.

Malgré la gestion admirable de l’économie du Canada depuis la dernière crise financière, le régime financier mondial risque à nouveau de bouleverser notre économie. La dernière crise financière s’est soldée par des pertes colossales pour l’industrie canadienne de production de médias dont elle n’est pas encore entièrement remise. L’incertitude économique croissante risque d’aboutir à une baisse de la confiance des consommateurs qui bouleversera le rétablissement de l’industrie. Le secteur canadien de la production de films et d’émissions de télévision a contribué pour 6,8 milliards de dollars au PIB du Canada et a employé plus de 117 000 personnes en 2009-2010 (CMPA, Profil 2010, p. 8). Le gouvernement canadien doit agir de manière préventive pour protéger ce puissant moteur économique.

Le milieu canadien de la production de médias est confronté à des défis structuraux qui empêchent son rétablissement complet. La diversité accrue des plates-formes médiatiques a pour effet de réduire les achats d’annonces des organismes. Tandis que de nouveaux services étrangers numériques font leur apparition sur le marché (AppleTV, Netflix), les systèmes traditionnels de distribution des contenus doivent leur livrer concurrence et réaliser de nouvelles économies. Les producteurs de contenus sont également censés créer des contenus originaux inter-plates-formes et faire en sorte que ces contenus soient disponibles à tout moment et partout. En bref, l’industrie doit produire plus de contenus avec moins d’argent et pour moins cher.

Durant cette période de transition et d’incertitude, les documentaristes sont en excellente posture pour exploiter les médias numériques. Les documentaristes sont des financiers inventifs qui n’hésitent pas à adopter de nouveaux modèles financiers et fonctionnels. Leur contenu est fondé sur des créneaux qu’il est facile d’intégrer dans le système de navigation fondé sur la recherche d’Internet.

Malheureusement, le soutien que le Canada apporte à la production de médias est aujourd’hui périmé et constitue un obstacle pour les producteurs de documentaires. Si le financement des médias était plus souple et que plus de fonds étaient attribués aux documentaristes, cela aurait pour effet de peupler les services numériques avec des contenus canadiens de qualité et d’attirer un plus grand nombre d’investisseurs étrangers.

Pour stimuler l’innovation et le succès, et empêcher toute autre perte pour l’industrie du documentaire, le budget de 2012 doit prendre d’autres initiatives qui permettront aux producteurs d’exploiter les possibilités qu’offrent les médias numériques. Et il doit majorer les aides qu’il accorde à ce secteur pour le protéger contre les répercussions de toute crise économique mondiale future. En échange, l’industrie du documentaire créera des emplois durables et générera plus de recettes fiscales, ce qui contribuera à équilibrer le budget.

Actualiser les crédits d’impôt accordés au titre de la production canadienne de films ou de vidéos et les services

La révolution numérique offre quantité de nouvelles possibilités aux producteurs canadiens. Les médias numériques élargissent leur marché potentiel à quiconque est connecté à Internet de par le monde. Lorsqu’il est intelligemment utilisé, le contenu interactif des médias numériques peut rehausser la valeur de la marque et des loisirs d’un projet apparenté.

Depuis le lancement du Fonds des médias du Canada (FMC), les documentaristes sont tenus d’établir un lien entre le contenu numérique original et leurs projets télévisuels. Malheureusement, le financement des projets dépend presque exclusivement des fonds. L’une des principales aides à la production de films et de vidéos est le crédit d’impôt; cela doit être élargi à la production des médias numériques.

Les crédits d’impôt procurent aux producteurs de films et de vidéos des capitaux qu’ils peuvent investir dans leurs entreprises et projets, ce qui, à son tour, crée des emplois durables et augmente la production. Un crédit d’impôt sur les médias numériques interactifs au titre des services et de la production permettrait de combler les écarts de financement et d’attirer un plus grand nombre d’investisseurs dans le milieu de la production de contenus numériques.

Il existe une génération entière de concepteurs de médias qui font l’essai de leurs talents de production de médias sur des plates-formes numériques. Si on les conjugue aux producteurs qui comprennent le côté commercial de la production de médias, le secteur offre d’excellentes possibilités de créer des emplois. Toutefois, le Programme de crédits d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique ne s’applique pas aux projets conçus pour des plates-formes numériques. Si ces crédits d’impôt pouvaient également être déclenchés par la distribution numérique, les récents diplômés trouveraient plus de perspectives d’emploi.

Manifestement, les crédits d’impôt pour les médias numériques devraient stimuler l’innovation, multiplier les possibilités de production et créer des emplois. Il faut tenir une consultation nationale avec l’industrie de la production de médias pour s’assurer que les changements apportés au régime de crédits d’impôt sont bénéfiques au secteur de la production de médias et ne nuisent pas à l’industrie de manière non intentionnelle. Cette consultation pourra également tenir lieu de forum afin de proposer d’autres améliorations aux crédits d’impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

C’est pourquoi la DOC recommande :

Que le budget de 2012 prévoie l’octroi de fonds pour actualiser/créer des crédits d’impôt au titre des services de production cinématographique ou magnétoscopique afin de refléter les réalités changeantes du paysage médiatique canadien, à savoir la création d’un crédit d’impôt sur les médias numériques interactifs et l’actualisation des crédits d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne de manière à ce que les plates-formes de distribution numérique agissent à la manière de déclencheurs.

Financement stable des longs-métrages documentaires

Depuis des décennies, les films canadiens destinés au cinéma pâtissent du manque d’écrans, du prix élevé d’un billet d’entrée et d’une piètre fréquentation des salles de cinéma. Certains faits récents ont éliminé ces obstacles, et les films documentaires canadiens sont prêts à exploiter le marché des salles de cinéma.

En premier lieu, les cinéastes canadiens ont accès à un plus grand nombre d’écrans que jamais auparavant. Les producteurs ont établi des partenariats avec Cineplex pour lancer leurs films dans le cadre du Cycle de programmes et d’événements spéciaux de Cineplex. Ce cycle de programmes permet aux producteurs de faire sortir leurs films dans 80 salles de cinéma à travers le pays moyennant paiement, et de recevoir en échange une partie des recettes perçues au guichet. Le cycle de programmes et d’événements spéciaux est également lié à un plus vaste réseau international qui crée des possibilités de distribuer les films aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Espagne, en Australie et dans d’autres pays.

Tutumuch est un documentaire canadien sur le ballet distribué dans le cadre du Cycle de programmes et d’événements spéciaux de Cineplex. Ce documentaire a été projeté pendant deux jours dans 60 salles de cinéma du Canada. Tutumuch a également été projeté dans toute l’Australie et la Nouvelle-Zélande par le biais du cadre international du cycle d’événements spéciaux. Les recettes brutes engrangées au guichet l’auraient propulsé dans la tranche des cinq premiers films canadiens pour le cinéma.

De plus, les festivals cinématographiques possèdent désormais leurs propres salles. Le Festival du film international de Toronto et, plus récemment, Hot Docs possèdent des salles qui projettent une grande diversité de contenus. Le pouvoir confondu de la marque du festival et de la capacité à présenter des films en dehors de la saison des festivals autorise une plus grande aide au marketing et une plus grande reconnaissance des films canadiens, en particulier des documentaires.

Deuxièmement, l’avènement de la technologie numérique permet aux cinéastes de distribuer leurs films pour une fraction du prix des lancements traditionnels dans les salles de cinéma. Par le passé, les cinéastes devaient faire des bobines multiples de leurs films et les expédier à travers le pays s’ils voulaient que leurs films connaissent une large diffusion. Le cinéma numérique élimine les frais d’expédition et de création de bobines multiples, qui ensemble coûtaient au producteur jusqu’à des dizaines de milliers de dollars. Aujourd’hui, les films peuvent sortir simultanément dans de nombreuses salles et atteindre un public plus nombreux. Tutumuch n’aurait pas pu être projeté dans 60 salles simultanément pendant deux jours sans les avantages du cinéma numérique.

Enfin, les documentaires canadiens connaissent une certaine vogue au guichet au Canada et dans le monde entier. Sharkwater, Up the Yangtze et Le dernier continent sont sortis depuis quatre ans et chacun a produit des recettes cumulatives mondiales supérieures à 1 million de dollars (DOC, Getting Real, p. 72). En même temps, la fréquentation annuelle des trois festivals de documentaires du Canada, DOXA, Hot Docs et RIDM, augmente chaque année (DOC, Getting Real 4, p. 71‑73). Étant donné que les festivals cinématographiques possèdent désormais leurs propres salles, ils peuvent facilement utiliser la puissance de leur marque et leur popularité pour traduire les films préférés des festivals en succès commerciaux.

Un plus grand nombre d’écrans, la baisse des prix d’entrée et la vogue croissante des films documentaires créent un point de jonction critique où les documentaires cinématographiques pourraient exploiter mieux que tout autre genre le marché cinématographique. Malheureusement, le gouvernement du Canada offre des aides minimes pour tourner des documentaires cinématographiques.

Le Fonds des longs-métrages documentaires de Téléfilm n’est pas permanent et est insuffisamment financé. Il finance en moyenne quatre documentaires par an (DOC, Getting Real 4, p. 69). D’autres bailleurs ont besoin du soutien des télédiffuseurs pour financer les films, et les télédiffuseurs hésitent de plus en plus à investir dans les longs-métrages. Même le Fonds des longs-métrages documentaires de Téléfilm exige des droits de permis pour avoir droit au financement maximum.

Si le Fonds des longs-métrages documentaires de Téléfilm devenait permanent et que son enveloppe augmentait, les cinéastes pourraient fournir un plus grand nombre de documentaires au marché cinématographique. Vu la façon dont ce marché est exploité, non seulement cela contribuerait à la croissance de leurs entreprises, mais cela leur permettrait également d’attirer des partenaires internationaux qui participeraient à la coproduction. De plus, à mesure que la production augmente, les emplois indirects augmentent eux aussi et sont soutenus par la production croissante de films documentaires.

La DOC recommande :

Que le Fonds des longs-métrages documentaires de Téléfilm devienne permanent et que son enveloppe soit augmentée pour faciliter l’exploitation maximale du marché cinématographique.

Accroître les aides accordées à la CBC, au Conseil des arts du Canada, au FMC, à l’ONF et à Téléfilm

L’impact de la crise financière de 2008 continue de se répercuter sur tout le milieu canadien de la production indépendante. À mesure que les productions se terminent, les producteurs trouvent de moins en moins d’occasions de travailler. Quantité d’entre eux ferment provisoirement leurs entreprises; d’autres ont abandonné leur métier purement et simplement. À cause de la récession, le milieu de la production de documentaires a essuyé des pertes colossales et continue d’être vulnérable. Entre septembre 2006 et août 2009, 1 000 emplois directs ont été supprimés et 1 600 emplois indirects ont disparu (DOC, Getting Real 4, p. 20). L’industrie du documentaire ne peut plus souffrir d’autres turbulences sans risque de tomber en chute libre.

Les sociétés d’État et les organismes de financement fédéraux sont des partisans convaincus des documentaires indépendants. L’ONF coproduit des documentaires avec des producteurs indépendants. La CBC commande un grand nombre de documentaires indépendants. Sans le financement du FMC, du Conseil des arts du Canada et de Téléfilm, il serait impossible d’assurer le financement des documentaires.

À mesure que le gouvernement cherche à réaliser des économies dans les dépenses qu’il consacre à ses programmes, il ne faut absolument pas toucher à ces institutions et à ces fonds. Toute réduction entraînera une baisse de la production de documentaires, ce qui aboutira en définitive à des suppressions d’emplois directs et indirects et à une baisse des recettes fiscales. Au lieu de quoi, le budget de 2012 doit majorer son financement et ses investissements dans ces institutions et ces fonds, ce qui appuiera directement l’industrie des documentaires indépendants. Cela attirera également des investisseurs étrangers, augmentera les recettes fiscales et créera des emplois durables.

La majeure partie des projets de coproduction internationale du Canada sont des documentaires, car le Canada jouit d’une grande réputation au titre de ses documentaires et qu’il bénéficie d’un solide système d’aides culturelles. Les producteurs du monde entier veulent travailler avec des documentaristes canadiens connus. L’aide accrue accordée à ces institutions ferait du Canada un partenaire de coproduction très attrayant pour la réalisation de documentaires.

Les documentaires sont un investissement prudent. Ils coûtent moins cher à réaliser que d’autres genres, ce qui accélère le taux de recouvrement. Conjuguées aux ventes de guides scolaires, les ventes de permis au marché de l’éducation offrent des recettes aux documentaristes pratiquement inaccessibles à d’autres genres. Entre 1995-1996 et 2007-2008, les documentaires anglo-canadiens ont récupéré plus de 24,4 millions de dollars de financement par actions grâce au Fonds canadien de télévision.

Les documentaires sont des incubateurs d’emplois. Lorsqu’un producteur amorce un projet, il procure des emplois à de nombreux professionnels : comptables, avocats, techniciens cinématographiques, acteurs, musiciens, metteurs en scène, chercheurs, courtiers en assurance, rédacteurs, techniciens du son, cinématographes et bien d’autres encore.

La DOC recommande :

Que le gouvernement fédéral majore ses crédits et ses enveloppes à l’ONF, à la CBC, au Conseil des arts du Canada, au FMC et à Téléfilm dans le budget de 2012.

Conclusion

La réalisation de documentaires est un legs canadien qui propose des perspectives politiques, sociales et culturelles exceptionnelles et diversifiées aux Canadiens et au monde entier. Moyennant l’aide accrue du gouvernement du Canada, l’industrie de production de documentaires indépendants peut favoriser la création d’emplois, augmenter les recettes fiscales, stimuler les investissements étrangers et attiser l’innovation. La DOC incite vivement le Comité permanent des finances à étudier ses propositions au moment de préparer le budget de 2012.